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Avocat Ducharlet

Féminines du PSG : Entraîneur malade, entraîneur puni.

04 juin 2018

Posté dans Droit du travail

Féminines du PSG : Entraîneur malade, entraîneur puni.


Coup d’envoi d’une série d’articles associant notre cher et remuant Droit du Travail et le monde du ballon rond plus que jamais imaginatif et à l’honneur avec le Mondial 2018 en Russie.


Et comment ne pas commencer par le plus célèbre club de foot « français » du moment : Le PSG.

Plus exactement, les Féminines du PSG.


Je lisais récemment un article tiré du plus célèbre des quotidiens sportifs dans lequel nous apprenions la mise à pied de l’entraîneur de l’équipe première et en fin de CDD au 30 juin 2018.


Ce n’est pas tant la procédure disciplinaire engagée à son égard qui a attiré mon attention mais les pronostics de l’auteur de cet article.


Il écrit que l’entraîneur de foot aurait été mis à pied par son employeur, le PSG après que ce dernier ait été informé de son absence pour diriger son équipe à Strasbourg pour la finale de la coupe de France en raison d’un arrêt de travail délivré par son médecin.


Il précise que « A la réception de ce document, son club l’a mis à pied et lui a demandé de vider ses affaires du centre d’entraînement de Bougival. Si cette sanction est disciplinaire, elle ne peut pas déboucher sur un licenciement. En revanche si elle est conservatoire, alors il s’agit de la première étape avant un entretien préalable pouvant aller jusqu’au licenciement. »


Il ajoute : « Pendant cette mise à pied, Lair (l’entraîneur) n’est plus payé et ne devrait donc pas touché non plus la prime prévue dans son contrat pour le succès en coupe de France. »


Sans le savoir, cet article sportif aborde trois interrogations déterminantes en Droit du Travail :

Une mise à pied disciplinaire peut-elle être notifiée oralement et directement à un collaborateur ?

Comment cohabitent mise à pied conservatoire et arrêt de travail pour raisons médicales ?

Un arrêt de travail pour raisons médicales ou pour mise à pied vous prive-t-il de tous les composants de votre rémunération ?


A la première question, la réponse est bien évidemment, négative et la mesure notifiée à l’entraîneur est une mise à pied conservatoire.


Notifier à un collaborateur une mise à pied disciplinaire, fut-il entraîneur de l’équipe première du PSG en CDI ou en CDD, nécessite préalablement de suivre une procédure disciplinaire composée d’une convocation à un entretien préalable à sanction disciplinaire avec rappel de la possibilité d’être assisté par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, d’un délai de convocation, d’un entretien, d’un délai de réflexion et d’une notification motivée et écrite de la sanction.


Sans cette procédure, la mise à pied est irrégulière et expose l’employeur à verser des dommages et intérêts au salarié concerné.


Les sacrosaints articles L.1332-1 et suivant du Code du travail prescrivent en effet qu’aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui et posent les étapes et délais à respecter.


La deuxième question est plus interessante : Le mariage arrêt de travail & mise à pied conservatoire.


La mise à pied conservatoire suspend en principe, le contrat de travail du salarié qui est dispensé d’exécuter sa prestation de travail. Elle entraîne une perte de salaire dont le caractère définitif dépendra de la sanction finalement retenue.


Le fait que le salarié soit en mise à pied conservatoire pendant la période couverte par son arrêt maladie n'a pas d'incidence sur le versement de ces indemnités journalières de sécurité sociale. Il en est de même concernant l'organisme de prévoyance à qui l'employeur doit également envoyer, le cas échéant, un dossier de demande d'indemnisation.


Autrement dit, une mise à pied à titre conservatoire notifiée à un salarié en arrêt de travail ne prive pas le salarié de l’indemnisation circonstanciée.


Cerise sur la gâteau, si la mise à pied conservatoire est invalidée par les juges, le salarié a droit à sa rémunération, peu important que le salarié ait perçu des indemnités journalières de sécurité sociale. Les juges considèrent également qu’il n’y a pas lieu de déduire les IJ perçues par le salarié au titre de son arrêt maladie (Cass. Soc. 18 Février 2016 n°14-22708).


La troisième et dernière question porte sur la prédiction du journaliste selon laquelle l’entraîneur serait privé outre de sa rémunération, de la prime attachée au succès en coupe de France.


En règle générale, les absences sont sans incidence sur le paiement d'une prime lorsque les règles de calcul de celle-ci ne tiennent pas compte du temps de travail mais se réfèrent à d'autres critères (par exemple lorsqu'elles sont destinées à récompenser et sont attachés à l’obtention d’un résultat précis) (Cass. Soc. 3 juillet 1990 n°89-40340).


Priver l’entraîneur de sa prime attachée au succès de l’équipe en coupe de France en raison de son état de santé caractérisait un acte discriminatoire au sens de l’article L.1132-1 du Code du travail et donc, une mesure illégale.


Priver le même entraîneur de sa prime de résultat pour motif disciplinaire serait une sanction pécuniaire au sens de l’article L.1331-2 du Code du travail et donc, un acte prohibé.  


La prohibition des sanctions pécuniaires a un caractère d'ordre public auquel ne peut faire échec une disposition du contrat de travail.


L’employeur devra se rendre à l’évidence, il ne pourra pas en toute quiétude, s’abstenir de verser la prime à l’entraîneur.


La seule circonstance qui autoriserait le non-paiement serait que le versement de la prime soit subordonné à une condition de présence pour tous les salariés et ce, quel que soit le motif des absences (Cass. Soc. 19 mai 1999 n°97-41153).


Dans cette circonstance, la suppression de la prime serait admise.


A défaut, les intentions de l’employeur resteront vaines et l’entraîneur aura droit à l’indemnisation de son arrêt de travail ainsi qu’à sa prime liée au succès en coupe de France et ce, bien qu’il fut durant la finale ni sur le terrain, ni sur le banc ou dans les tribunes mais au fond de son lit.